EXPOSITION
Peintures de Abdallah Ko à l’Espace SD
Abdallah Ko est né en 1972 à Beyrouth. Il a grandi et a étudié à Paris, un peu au Canada (des études d’architecture inachevées), est retourné à Paris faire sa maîtrise en lettres à la Sorbonne, avant de voyager : Asie, Afrique, New York où il s’installe à la fin des années quatre-vingt-dix, jusqu’en 2002. Depuis, il bouge d’une ville à une autre. Mais aussi d’une discipline à une autre. Ou, plutôt, il fait des allers-retours constants entre trois modes d’expression artistique : l’écriture de nouvelles sur le Web (sur le site abdallahko.com), la musique improvisée (seul ou avec une bande de copains) et la peinture.
Peintre autodidacte, si l’on exclut une courte formation aux Beaux-Arts de Paris, Abdallah Ko n’en a pas moins le pinceau prometteur. Pour sa première exposition, qui se tient actuellement à l’Espace SD (immeuble S. Dagher, avenue Charles Hélou), le jeune artiste a choisi de montrer (sans aucune intention de vendre) une quinzaine de toiles de format carré (120 x 120 cm) ainsi que deux tableaux-tiroirs et quelques dessins.
Par un mélange de techniques mixtes, dont l’acrylique, le fusain, l’encre et l’impression photographique sur toile, Abdallak Ko explore un univers dense, qui semble, de prime abord, tiré du quotidien, mais qui ne l’est absolument pas.
Paradoxes
Dérision ou désespoir, les personnages de ce peintre ne sont jamais là où on les attend. Hors de leur contexte, ils semblent parfois emprisonnés dans un espace de vacuité, ou alors révèlent, par un détail, leur origine chimérique, laissant le spectateur désarçonné, comme devant un carrefour d’interrogations.
À l’instar du portrait d’un homme en masque-scaphandrier lisant étendu et dont on n’arrive pas à discerner s’il s’agit d’un malade dans un hôpital ou d’un cosmonaute, ou de la représentation d’un crâne de mort, qui ressemble à s’y méprendre à celui d’un être humain, ou encore dans la fascinante virée au supermarché d’un vieil homme en « serwal », suivi d’une femme en tchador et d’un enfant poussant un chariot. Cette dernière pièce, toute en perspective, suggère une dynamique de mouvement très expressive.
Il y a aussi une vue « grisonnante » de la Baie de Rio, un tableau composé à partir de pyramides de Bonjus recouvertes de peintures rouge et noir. Une œuvre conceptuelle et agressive, construite à partir du symbole même de la fraîcheur et de l’enfance au Liban, et qui peut donner lieu à de multiples interprétations, dont, entre autres, celle de l’enfance saccagée par la guerre.
Dans la même veine, deux tableaux, composés à partir d’objets et de peintures dans des tiroirs, expriment un même rejet envers ce que Abdallah K. appelle « les machines d’éternité » que sont le Sarcophage et la Cathédrale.
Mais tout n’est pas sombre chez cet artiste. La preuve, sur un mur, un peu plus loin, « scintille » une scène bucolique – rehaussée de paillettes – de jeunes filles dans un pré et un ensoleillé diptyque montrant des soucoupes volantes dans un ciel printanier. Toujours le sens des contrastes et des paradoxes !
Un accrochage intéressant. À voir, jusqu’au 15 octobre (de 15h à 20h).
Zéna ZALZAL
Source: L'Orient-Le-Jour - www.lorientlejour.com
Date: Sep. 27 2005
Place: Beirut, Lebanon